jeudi 16 février 2012

carte postale farfadette

Le déjeuner rituel, qui n’a pour ainsi dire jamais varié depuis trente-cinq ans que Papa et Maman sont mariés – tous les midis ils se retrouvent, entrée, plat, fromage et/ou dessert, débarrasser, Papa passe le balai, Maman fait la vaisselle. 

Vers 15h30, Maman et moi partons nous promener une bonne heure. Dans le virage emboué, au bout du village, Mathilde, ses 1m35 au juger, ses mains éternellement fichées sur son ventre, dans la poche de son tablier à fleurs colorées, ses bottes vertes, sa beauté farfadette, est d’humeur causante. Elle nous parle de la neige et du grand froid dont nous sommes quittes pour cette année, d’après Evelyne Dhéliat. Elle nous raconte que la neige est synonyme pour elle de mauvais souvenirs. Quand son mari Albert est mort il y a cinq ans. Quand Jean-Noël son fils a eu l’appendicite à l’âge de huit ans. Il y avait beaucoup de neige, il avait fallu faire les deux kilomètres jusqu’au bourg à pied pour voir le médecin, il avait été long et difficile d’aller au chevet de « son gars » le lendemain de l’opération à cause des routes mal praticables. Elle, inquiète. Puis elle se plaint de sa coiffeuse à domicile. Maman surenchérit, « Oui, elle, c’est la coupe au bol ». « Eh ben, chuis pas un bol ! ». Maman lui dit qu’elle a de beaux cheveux blancs et ne devrait pas les faire teindre, les lui tripote – si rare qu’elle tombe sur quelqu’un de plus petit qu’elle, elle en profite visiblement. Pendant ce temps, Jean-Noël, qui a garé son tracteur et remonté le chemin à pied, rigole avec moi de ce que cette coiffeuse n’a même pas de « glace » (crin poivre et sel impressionniste, face rosée, salopette gris salopé à manches longues, braguettée jusqu'au cou). De bon cœur.

4 commentaires:

  1. J'aime beaucoup cette carte postale. Il me semble que tu es toujours plus inspiré "chez toi" qu'à Paris.
    A Paris tu parles de littérature et là-bas, tu écris.

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  2. Moi aussi j'aime beaucoup cette carte postale, elle est pleine de vie et de couleurs, de sons, de choses qui ne sont pas parisiennes !

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  3. D'accord avec vous ;) et oui, @samantdi, je me suis rendu à la même évidence. C'est ce à quoi il m'importe de donner voix, ce qu'il m'importe de faire exister, de partager.

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  4. Dans mon village d'enfance, cette Mathilde là s'appelle Claudine.
    Les "beautés cachées" de nos provinces ! Leur donner (ou leur rendre) la parole ...

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(n.b. : Il semblerait que le formulaire de commentaires dysfonctionne sous Safari, mais s'entende encore très bien avec Firefox et Chrome.)