vendredi 24 septembre 2010

Récapitulons. 
Je n'ai pas fait l'emplette des Petits traités de Quignard parce que j'avais complètement oublié que c'était sur ma liste, mais si je m'en étais souvenu, j'aurais assez probablement trouvé une raison de ne pas l'acheter – je l'aurais feuilleté – non, pas maintenant.
Je n'ai pas fait l'emplette de Mort à crédit de Céline parce que la police de ce Folio est scandaleusement, rédhibitoirement petite. Et puis...
Je n'ai pas fait l'emplette de Avec Bastien de Mathieu Riboulet parce qu'il coûtait la somme somme toute modique, pour un grand format, de treize euros et quatre-vingts centimes, et que j'avais l'idée que ce genre de livre-là, perdus dans la rentrée, se trouve facilement sur le marché de l'occasion. Seulement, sur le marché de l'occasion, moins le prix initial est élevé, moins il est facile de trouver une affaire qui vaille la peine de s'embêter à l'acheter d'occasion. Par pingrerie, et aussi par peur de me tromper.
Je n'ai pas fait l'emplette d'Insoupçonnable de Tanguy Viel pour une raison assez obscure, une peur d'être déçu au bout du compte, mêlée d'une honte à lire de la petite littérature française traitant d'un petit couple en Bretagne – en somme la peur de perdre mon temps à lire un livre pas assez grand, alors même que la vie est brève et la Littérature sans fin. Pourtant l'espièglerie du style constatée dans les premières pages m'enchantait. J'ai eu des remords sitôt sorti.
Je n'ai pas chercher à faire l'emplette d'un livre traduit d'une langue étrangère, parce que, pour comble, je cède moi-même à la mystique dominante de l'original et à la défiance spontanée qu'inspirent généralement les gens de mon état, dont l'existence même nous rappelle douloureusement Babel, et ce fait déplorable que nous n'avons pas universellement accès à l'intériorité de tous nos semblables (and so what).
Mon éditrice disait un jour le rapport un peu spécial, un peu altéré des gens de son état à la lecture ; moi je cherche le Graal, j'ai besoin de grands livres, forts, qui soient de la vie, une expérience, et qui me changent comme on rencontre une personne – mais pas n'importe qui. Mais j'ai trop peur pour leur donner une chance. J'ai peur de ne plus pouvoir les quitter alors que j'ai à faire. J'ai peur qu'ils m'influencent inopportunément et interfèrent en mal avec la langue que je  me dois de trouver et d'entretenir pour le travail en cours. Je suis souvent déçu.
Bref, je crois que je n'aime pas lire.

8 commentaires:

  1. Ce n'est jamais mauvais d'attendre beaucoup de ce (ceux) qu'on aime, je crois. Même si c'est frustrant.

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  2. Je me reconnais pas mal dans ce texte...

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  3. "moi je cherche le Graal, j'ai besoin de grands livres, forts, qui soient de la vie, une expérience, et qui me changent comme on rencontre une personne – mais pas n'importe qui." moi itou sauf que même pas peur et je fonce encore et toujours, et même si mon niveau d'exigence est devenu épouvantable, je fais l'orpailleur.
    Dans mon tamis ces derniers mois "Purge" de Sofi Oksanen, et oui, on n'est plus pareil après. Plus quelques admirables poussières d'or, dont ce Pont de Maylis de Kerangal (seule question : me restera-t-il ?), "Le cœur régulier" d'Olivier Adam, et cette pépite si détendante (le temps de la lecture on est vraiment ailleurs) de Mathias Énard sur Michel-Ange.
    (entre autres)

    Influence sur le travail en cours, sa langue : la porosité n'est pas directement liée à la force de l'effet qu'une œuvre nous fait, je crois. Chez moi elle est liée à certaines voix. Je sais désormais à peu près celles que je ne dois lire qu'au compte-goutte, ou à d'autres moments relire pour m'obliger à recadrer le niveau, remonter l'exigence.
    Peut-être que dans ton travail c'est un peu différent.

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  4. Bon, ce que j'ai pas écrit, c'est que j'ai Les règles de l'art de Bourdieu sur le feu et que je viens de commencer Crime et châtiment, sans ennui mais sans entrain, et que je craignais qu'acheter un petit Minuit serait fatale à la persévérance nécessaire pour l'un comme pour l'autre... (Mais j'ai finalement acheté Insoupçonnable en bonne occas' à Gibert !)
    Gilda, si tu n'as pas déjà prêté Purges et n'en a pas besoin, je suis preneur. Naissance d'un pont, qui m'a l'air de relever du même courant de la littérature française contemporaine que Message & Korman, semble un peu être le Houellebecq des gens biens, le livre dont tout le monde parle. Pas convaincu par les extraits feuilletés et entendus, et B. de faire remarquer, espiègle : "on dirait un livre traduit" (pas la phrase contenue, stylée, envoyée de chez Minuit, mais l'alambiquée matiérée allitérée ; pas la petite littérature française sur le couple mais la grande ambition à l'américaine, Françoué). Il faudra y plonger pour savoir (ce dont vous parlez tous) !
    Impression de me souvenir d'une époque – 16-22 ans – où je trouvais beaucoup plus facilement les textes qui m'étaient destinés (et où je n'avais que faire de l'actualité éditoriale, y aurait-il un lien ?)
    Pendant ce temps, à côté, ma concubine, qui lit tout un tas de choses passionnantes par profession pendant la journée, paraît, le soir venu, s'enfiler un à un tous les romans de la littérature allemande des cinquante dernières années avec un égal contentement...

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  5. (Pour préciser ce "on dirait un livre traduit" : dans l'extrait sur le site de Verticales, on "tressaille" et on "plisse les paupières" ; il ne reste plus qu'à "hocher la tête" et faire un "grand sourire" pour être traduit de l'américain... On décrit à foison et avec un luxe de détails dont on se demande s'il sont signifiants ou s'ils portent poétiquement – le luxe de détails étant l'anéantissement même du détail en tant que tel... Décidément, je n'accroche guère...)

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  6. Exact pour le Pont qui s'essoufle un peu en prenant de la grandiloquence vers le milieu (comme par hasard lors d'une interruption du chantier). Mais pour ce qui est de la construction (du pont pas du roman), la façon dont la participation à un chantier absorbe les gens, il y a des passages on s'y croit.

    À l'opposé, mais l'un n'empêche pas l'autre, grand bonheur avec le "petit" Bober, son quotidien simple et ses phrases qui le respecte.

    Purge, je ne peux pas m'en séparer, trop besoin d'en relire un passage ou un autre de façon intempestive. Mais, c'est quand déjà ton anniv. ou ton Noël ?

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  7. J'ai oublié un ent quelque part.
    (pourquoi relis-je toujours APRÈS ?)

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  8. (Non mais, pour Purge, je demandais à tout hasard, t'inquiète !)

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