La biographie est un genre formidable. Il en existe très vraisemblablement de mauvaises, et pourtant, on se dit qu’il doit falloir y mettre du sien. La biographie est plaisante, elle semblerait presque facile. Elle a pour elle la simplicité des grands romans XIXe siècle : un héros, fût-il un peu anti-, un destin. Tout un programme qui aussi bien pourrait être le titre d’une antique émission de radio. Vous prenez, en principe, un homme – une femme – tant soit peu grande, et partant du début vous devez arriver à la fin en ayant démontré que tout se comprend à la lumière de cette grandeur présupposée, mais surtout l’éclaire et l’explique. Même s'il demeure bien sûr d'indispensables et miroitantes zones d'ombre. Tout cela fait sens, partout le tout s’affirme harmonieusement dans ses parties. Pour le biographe, il ne s’agit pas tant de créer des personnages–situations–dispositifs et une langue qui mette le tout en branle au service de quelque expérience existentielle, comme pour l’écrivain de fiction, que de se livrer au péché mignon du chercheur qui consiste, après avoir retrouvé, déterré, ordonné devant lui comme les pièces d’un puzzle incomplet, les restes d’un vase brisé, des faits, des indices — à interpréter. Donner sens. Et... conter !
Le lecteur, lui, appréciera de se voir rappeler qu’une existence comme il en détient une, pour peu qu’elle soit achevée et – détail que tout cela – pas tombée dans l’oubli, a ça, un sens. Ou du, raffinons. Il appréciera de constater que le grand homme tout comme lui avait ses faiblesses, petites ou grandes, qu’il n’a pas toujours eu la vie facile, lui non plus, que pour un peu il ne serait pas allé au bout, aurait très bien pu s’arrêter en chemin bien avant le tiret et sa vraie date de fin. Sans devenir un grand homme, voire. Mais qu’il a triomphé. Le lecteur, lui, est édifié. Les biographies nous aident à vivre.
Tel est l’état somme toute assez sommaire des réflexions qui me passent par la tête au bout de cent pages de Gustave Flaubert, une manière spéciale de vivre de Pierre-Marc de Biasi (Paris, Grasset & Fasquelle, 2009, 21€50, mais qui achète les livres à leur prix fort et soi-disant unique, de nos jours ?), qui à vrai dire ne rendent absolument pas justice à ce livre, et que j’ai la vanité de m’arrêter contempler.
Ça, et le sentiment ranimé par les extraits qui charpentent nécessairement cet ouvrage (le sentiment → feu, extraits → braises couvant sous la cendre), que la Correspondance de Flaubert, ce livre qui n’en était pas un et qui est pourtant la littérature même, la vie en tant qu’énonciation, déclaration, profération, lyrisme, excès de la parole frappé contre le mur absurde du réel muet et matériel, délire, est à peu près pour moi – il faut que j’hénaurme – the plus grand livre du monde (→ Top 5 île déserte, etc.).
Suite de la logorrhée, mes pauvres, au prochain épisode. Quelle idée, aussi, de lire des blogs.
Au sommaire d'une prochaine émission de radio :
RépondreSupprimerhttp://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/humeurvagabonde/avenir.php