lundi 17 décembre 2007

Un baiser, s'il vous plaît - Emmanuel Mouret passé maître

 
Même si j'avais été ravi par Changement d'adresse, le dernier film que je sois allé voir deux fois, ainsi, quoiqu'un peu moins complètement, par Vénus et Fleur et Promène-toi donc tout nu !, je pensais qu'après l'épiphanie de vendredi, Un baiser, s'il vous plaît, le dernier film d'Emmanuel Mouret, me paraîtrait un peu en retrait, un degré au-dessous de Lumière silencieuse dans ma hiérarchie des oeuvres de cinéma. Et étonnamment, cette fois encore, pas tellement : Un baiser, s'il vous plaît est, lui aussi, un vrai travail de maître, dans sa veine profonde de comédie. Ourlée d'une frange d'incompressible tragédie – ou plutôt, simplement, comme dans Lumière silencieuse mais tout autrementde souffrance amoureuse. Dans une répartition des charges, du léger et du grave, conforme à ce que sont nos amours (nos vies). (C'est à cette vérité du détail comique, ce rappel en coin de notre insignifiance qui, dans un bruit incongru, déballonne notre angoisse, que j'ai pensé en voyant Emilie et Gabriel, personnages pleins de prestance et de raffinement, arriver dans la cour de l'hôtel trois étoiles dans une mini-camionnette ridicule dont la portière passager coince de l'intérieur – repensant à ces considérations de Philippe de Jonckheere que j'avais lues dans la matinée, au sujet de son maillot de rugby bleu et jaune dans la pénombre hivernale d'une cuisine.)
A une époque où l'on serait plutôt pour le plaisir que pour le désir, où prévaudrait un principe de consommation sans délai ni vains discours, Emmanuel Mouret, qui n'est pas seulement l'héritier de Rohmer mais aussi, pourquoi pas, celui de Roland Barthes, de Marivaux et des Lettres de la religieuse portugaise, s'illustre par un sens certain du contrepoint, en se faisant l'orfèvre d'une extravagante mécanique du discours amoureux. En produisant des images à contre-courant – ce gros plan d'un érotisme torride sur la grande main velue de Nicolas (celle du cinéaste) descendant sur l'angora blanc de Judith – où l'on voit tout, c'est-à-dire simplement une main d'homme sur un pull blanc – une caresse, le désir.
D'Emmanuel Mouret – outre que sa seule survenue dans un plan (comme celle d'un Lagaffe ou d'un Hulot) m'emplit déjà d'alacrité, au même titre que ses «Voilà » dont on sait désormais qu'ils embrayent immanquablement quelque acrobatique ratiocination, j'aime la fausse naïveté et la délicatesse intempestive.

1 commentaire:

  1. Ton billet tombe à point, j'avais très envie de voir ce film, et en principe ce sera chose faite vendredi. Chouette, j'ai hâte !

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