lundi 10 décembre 2007

mais qui suivrait ?

 
Inconscient machiste, hypocoristique ? Dans le "Journal de la culture" d'Arte, le jeune homme, en voix off, décrit Ayo comme "ce petit bout de chanteuse" ; m'agace suprêmement. Irait-on jamais parler d'un tel comme – je ne sais pas, moi – d'un "petit bout de rappeur" ?
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C'est aujourd'hui, à 15h38, que j'ai achevé, p. 1261, la lecture du Carnet de notes (1990-2000) de Pierre Bergounioux, commencé il y a cinq ou six semaines. Je n'en aurai pas passé une ligne, ne l'aurai pratiquement pas délaissé pour une autre lecture.
Étonnant phénomène. Parfois embarrassant – j'en ai parlé à tous mes amis, possédé que j'étais, suis encore, passant pour un obsessionnel.
Il m'aura par moments fallu lire "avec abnégation", comme l'auteur le dit lui-même dans les dernières pages, à propos de lectures de linguistique historique – sûrement bien plus sèches – qu'il a faites vers l'âge que j'ai (en particulier ces pages de vacances où l'homme décrit en détail,  à l'aide de toute une terminologie technique ou artistique inconnue de moi, chacune des sculptures (pardon, ferrailles) qu'il réalise, sans que cela puisse susciter en moi aucune image). Mais pour le reste, pas d'autre effort que de rester sensible aux variations dans la structure répétitive des ans, du quotidien.

A quelqu'un qui solliciterait de moi une opinion rapide, je pourrais dire que j'ai préféré le premier volume, pour m'avoir prévenu des pires "épreuves de la vie". Mais fondamentalement, l'expérience est la même, unique, irremplaçable – qui est de côtoyer un homme – plus grand que soit, dans l'expérience de la durée, du quotidien dans ce qu'il a de récurrent, de minutieux, de réel, par une imprégnation (morale et linguistique) à effet d'intimité, comme nos existences nous le permettent rarement. Et, comme on dit, de "se construire" à cette aune, avec et contre, tout contre. Pour moi nul doute que cette expérience-là vient se loger à la place d'un manque.

Et dans cette longue marche, un horizon d'attente : ces phrases qui vous sont indirectement adressées, telles que :

« J'ai emporté les maigres notes jetées, samedi, sur des feuillets, à propos de la période décevante et tourmentée qu'on traverse entre vingt et trente ans. On a formé le dessein nouveau, téméraire de comprendre enfin ce qui est arrivé, se passe mais on n'a pas encore le discernement ni la force de s'emparer des choses en connaissance de cause. » (p. 1070)
Ou :  
« J'avais vingt-sept ans. Tout était encore incertain, un peu désespérant, comme il en va, quoiqu'on fasse, à cet âge. »

Envie de relever aussi ces deux passages sur la difficulté de l'école à être le lieu d'émancipation qu'il aurait vocation à être, si on tentait d'en faire autre chose qu'un lieu de reproduction sociale politiquement correcte :

« Le principal nous réunit dans une salle du premier étage pour examiner, avec nous, les nouvelles dispositions en matière de discipline. Que la vie se complique, quelle épidémie de juridisme, comme la défiance s'insinue partout et jusque dans les relations les plus apparemment désintéressées, nobles, qui soient : transmettre aux enfants les maîtres mots de leur culture, les moyens de travailler, quand l'heure viendra, à leur propre accomplissement ! » (9.9.2000, p. 1228)

« La principale nous réunit dès huit heures et demie pour évoquer la discipline, la "gestion de l'hétérogénéité", les "projets". Que de vains discours, tandis qu'on se garde de toucher à la réalité, à l'inégalité, à la consécration des privilèges. Il faudrait, là, décréter que c'est assez, dire nettement ce qu'il en est, prendre des résolutions suprêmes, politiques, pour mettre un terme au gâchis, offrir effectivement à tous toutes les lumières, changer les hommes, le monde, la vie. Mais qui suivrait ? » (26.6.2000, p. 1203)

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