« Nos rapports avec la lecture sont des rapports amoureux. Il y a des livres qui ne sont pas "notre genre" et auxquels nous finissons par succomber, d'autres que nous aurions voulu aborder et qui nous tiendront à distance toute notre vie. »
De traces, sillons, journal de lecture et d'écriture de Claire Malroux publié aux éditions José Corti et dont la tranche douce, ébouriffée après que le lecteur patient lui a hiératiquement découpé toutes les pages, dit déjà beaucoup, c'est non sans un sourire que je recueille cette trace. Tant j'ai précisément éprouvé, à la lecture, ce sentiment, que je n'aurais pas pensé à formuler ainsi, qu'il n'était pas vraiment, ou plus, "mon genre" : quel rapport entre cette femme vieille qui a son oeuvre de poète et de traductrice derrière elle et l'embrasse d'un regard rétrospectif dépassionné, a le goût des étymologies latines, va contempler des toiles au musée, prend le temps de se demander comment les oiseaux voient les hommes, part en villégiature à Cabourg, aime Proust, enfin qui publie son "blog" sous la forme la plus intempestive qui soit — un livre non massicoté —, et l'homme plutôt jeune, qui a peur de la sienne, du temps, guetté de passions impatientes, un peu trop souvent en colère contre ce qui est, au moins provisoirement séparé du monde, que je suis ? Chez qui la contemplation laisse place au clic et l'intempestif au flux d'actualités ? Plus enclin qu'au poème à la profération, à l'imprécation, si, le plus souvent, il ne déposait pas les armes aux pieds du silence ?
Non sans malice, disais-je, que je recueille cette trace, tant, justement, j'ai succombé à cet appel au calme, à ce rappel à ce qu'en poésie on a pu appeler la présence (non que Claire Malroux s'en réclame ici), à cette façon appliquée d'élaborer dans le langage une attention consentante au monde. A ce qui, jadis, a été "mon genre".
Non sans malice, disais-je, que je recueille cette trace, tant, justement, j'ai succombé à cet appel au calme, à ce rappel à ce qu'en poésie on a pu appeler la présence (non que Claire Malroux s'en réclame ici), à cette façon appliquée d'élaborer dans le langage une attention consentante au monde. A ce qui, jadis, a été "mon genre".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
(n.b. : Il semblerait que le formulaire de commentaires dysfonctionne sous Safari, mais s'entende encore très bien avec Firefox et Chrome.)