« Je suis assis dans le studio de télévision. Des millions d’Allemands me voient, m’entendent.
Intervieweur : ‘Monsieur Bronsky ! En ce moment, des millions d’Allemands vous voient et vous entendent !’
Bronsky : ‘Je sais.’
Intervieweur : ‘Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?’
Bronsky : ‘Pour guérir.’
Intervieweur : ‘Vous ne voulez pas devenir célèbre du même coup ?’
Bronsky : ‘En effet. Bien que je n’en aie pas eu conscience au départ. Mais, vous savez, j’ai toujours été quelque peu complexé, c’est pourquoi la célébrité tombe à pic, tout comme le gros paquet de thunes que je vais empocher.’
Intervieweur : ‘Les critiques disent que vous écrivez encore mieux que Kafka. Où avez-vous étudié l’allemand au juste ?’
Bronsky : ‘J’ai lu un tas de livres.’
Intervieweur : ‘Ce ne sont pas des études d’allemand.’
Bronsky : ‘J’ai aussi été à l’université.’
Intervieweur : ‘Laquelle ?’
Bronsky : ‘Les toilettes pour hommes du Donald’s Pub à Times Square.’
Intervieweur : ‘C’est une université, ça ?’
Bronsky : ‘Oui.’
Intervieweur : ‘Expliquez-nous.’
Bronsky : ‘Il y avait un grand noir qui urinait. Nous discutions en argot américain. C’est là que j’ai trouvé la bonne distance avec la langue allemande.’
Intervieweur : ‘Vous voulez dire… que c’est là que vous avez pris douloureusement conscience de la beauté de la langue allemande ?’
Bronsky : ‘C’est ça.’
Intervieweur : ‘Comment êtes-vous devenu écrivain ?’
Bronsky : ‘On m’a fourbu.’
Intervieweur : ‘Qui ça ?’
Bronsky : ‘La vie.’
Intervieweur : ‘Vous voulez dire l’école de la vie.’
Bronsky : ‘Oui.’
Intervieweur : ‘Monsieur Bronsky. Avez-vous quelque chose à dire au peuple allemand ?’
Bronsky : ‘Aux vieux, j’ai rien à dire. Ils savent.’
Intervieweur : ‘Et aux jeunes ?’
Bronsky : ‘Je voudrais dire aux jeunes : lisez mon livre.’
Intervieweur : ‘Votre livre sur le ghetto juif ?’
Bronsky : ‘Mon livre contre la violence et la barbarie.’
Intervieweur : ‘LE BRANLEUR ?’
Bronsky : ‘LE BRANLEUR !’ »
Echantillon des dialogues bientôt fameux de Fuck America d’Edgar Hilsenrath (trad. l’allemand par Jörg Stickan, Attila, 2009, pp. 285-287).
Il faut dire aussi que le traducteur est génial. Et l'histoire de cette traduction telle qu'elle se raconte aussi (quelque chose comme : il passait précisément dans la librairie allemande au moment où ... et donc ... mais pourquoi pas ...).
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