Je repense à cette amie qui m'avait raconté qu'elle n'écrivait pas mais faisait l'inventaire, dans un carnet, des titres de livres qu'elle aurait envie d'écrire. Je repense à cette autre amie que j'ai souvent affrontée au ping-pong au cours de parties disputées qui se terminaient toutes immanquablement par ma défaite, parfois au prix d'une remontée spectaculaire et inespérée de mon adversaire. Dans ce contexte apparemment sans enjeu, dans la frivolité de façade du jeu, elle m'avait dit une chose que j'avais reçue comme l'une des vérités les plus cruciales me concernant : "Tu ne sais pas finir tes parties."
Crucial, cela s'était avéré l'année précédente, puisqu'après avoir perdu de nombreux matchs que nous jouions pour nous détendre entre les écrits et les oraux avec une autre brillante cadette, je m'étais couché en finale du concours de l'ENS, alors même qu'elle triomphait. C'était certes une athlète de haut vol, et l'entraînement y était pour beaucoup, mais j'avais vraiment été incapable de gérer la tension de fin de match.
Et crucial, ça n'a pas cessé de l'être, bien au contraire, puisque je suis allé embrasser une carrière dont l'une des premières exigences est l'optimisation du rapport qualité/temps (rien de très original), mais aussi le respect du délai, autrement dit savoir finir ses parties. Comme pour aller au-devant de mes démons, jugeant (avec la pondération d'un Don Quichotte ?) que la meilleure façon de les conjurer était encore de les attaquer bille en tête. Un métier dont l'une des premières vertus passe pour être la régularité, où l'on dispute des manches de plusieurs mois qui nécessitent de doser son effort, de ne pas perdre de temps à rentrer dans le match, de ne pas se laisser déconcentrer et déborder par l'adversaire, qui n'est autre que le temps lui-même (car à vrai dire, pour ce qui est de traduire, on parle plus volontiers de traversée en solitaire que de match de ping-pong).
Alors bien sûr il y a déjà Beckett, cette Fin de partie que je n'ai pas souvenir d'avoir connue personnellement. Mais ce soir, je me dis que si j'avais un carnet comme celui de ma copine T. , j'inscrirais, à la page "premier roman de chez Minuit", le titre Finir la partie. Parce que celle-ci, encore, j'aurais pu mieux la jouer.
Crucial, cela s'était avéré l'année précédente, puisqu'après avoir perdu de nombreux matchs que nous jouions pour nous détendre entre les écrits et les oraux avec une autre brillante cadette, je m'étais couché en finale du concours de l'ENS, alors même qu'elle triomphait. C'était certes une athlète de haut vol, et l'entraînement y était pour beaucoup, mais j'avais vraiment été incapable de gérer la tension de fin de match.
Et crucial, ça n'a pas cessé de l'être, bien au contraire, puisque je suis allé embrasser une carrière dont l'une des premières exigences est l'optimisation du rapport qualité/temps (rien de très original), mais aussi le respect du délai, autrement dit savoir finir ses parties. Comme pour aller au-devant de mes démons, jugeant (avec la pondération d'un Don Quichotte ?) que la meilleure façon de les conjurer était encore de les attaquer bille en tête. Un métier dont l'une des premières vertus passe pour être la régularité, où l'on dispute des manches de plusieurs mois qui nécessitent de doser son effort, de ne pas perdre de temps à rentrer dans le match, de ne pas se laisser déconcentrer et déborder par l'adversaire, qui n'est autre que le temps lui-même (car à vrai dire, pour ce qui est de traduire, on parle plus volontiers de traversée en solitaire que de match de ping-pong).
Alors bien sûr il y a déjà Beckett, cette Fin de partie que je n'ai pas souvenir d'avoir connue personnellement. Mais ce soir, je me dis que si j'avais un carnet comme celui de ma copine T. , j'inscrirais, à la page "premier roman de chez Minuit", le titre Finir la partie. Parce que celle-ci, encore, j'aurais pu mieux la jouer.
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