Je me demande un peu ce qu'a pu penser Gilda lorsqu'après une demi-seconde d'hésitation (le pseudonymat comme rempart - de sauvagerie et timidité - contre les contigences du monde n'est pas encore une chose à laquelle je renonce sans y réfléchir), j'ai viré net et à 90° pour fondre sur elle que le mur, dans son dos, empêchait de s'enfuir. Puis que j'ai dit, sans plus de formes que n'en mettent les conspirateurs aux portes réservées : "Janu."
Mais après tout Gilda, blogueuse installée, qui ne cache ni son nom ni son visage, n'est peut-être pas si inaccoutumée à ce que des inconnus la reconnaissent et viennent à elle dans les sociétés littéraires. Et puisqu'elle m'avait fourni prétexte à nous rencontrer le lendemain, la surprise de cet imprévu était, en somme, d'actualité.
En rentrant, je songe à ce que la rencontre de quelqu'on qu'on lit a de singulière - on se sent spontanément familier mais on s'étonne, puisqu'on vient seulement de faire les présentations ; il y a une sorte d'intimité floue et trouée, qui nécessite ajustement, une mise au point de la fiction* vers le réel. Ou peut-être que cette familiarité tient simplement à ce que, même sans trop se connaître, on fait partie de la même secte.
Aux côtés de Gilda, je vérifie cette fois encore que c'est sans fin, jusqu'à ce que mort s'ensuive, que je pourrais écouter Pierre Bergounioux user, de vive voix, de "l'expression publique légitime", prendre la parole, garder jalousement le silence, raconter le destin et la condition des hommes, par le recours à l'histoire, et aux histoires qui chacune en manifestent une bribe de sens.
Que Pierre Michon est un peu à la littérature ce que François Hollande est à la politique française, le fou du roi. Mais quel fou, et quel roi...
Dans le bus, à l'aller, je relève cette phrase de la lauréate du prix Wepler, dont le roman avait si grande réputation que je suis pour l'instant un peu déçu : "Je suis constitué de fragments très distincts et séparés les uns des autres par de grands vides."
La poésie, le journal ? - en fait d'expression publique légitime, quelques mots risqués dans le blanc, et qui vous constituent.
______________
* à l'instant, soit deux jours plus tard, François Bon parle, lui, d'identité numérique : "cette identité numérique, qui devient concrète à force d’images, d’interventions, d’accumulation n’est pas notre être civil. Elle a la même complexité que ce que nous avons appris de longtemps à explorer, déchiffrer, pour ce qui sépare et mêle l’artiste Marcel Proust ou l’artiste Louis-Ferdinand Destouches de leurs narrateurs, voire même de leur masque d’écrivain, Saint-John Perse ou Céline..." (cité sans nulle identification mégalomane.)
Mais après tout Gilda, blogueuse installée, qui ne cache ni son nom ni son visage, n'est peut-être pas si inaccoutumée à ce que des inconnus la reconnaissent et viennent à elle dans les sociétés littéraires. Et puisqu'elle m'avait fourni prétexte à nous rencontrer le lendemain, la surprise de cet imprévu était, en somme, d'actualité.
En rentrant, je songe à ce que la rencontre de quelqu'on qu'on lit a de singulière - on se sent spontanément familier mais on s'étonne, puisqu'on vient seulement de faire les présentations ; il y a une sorte d'intimité floue et trouée, qui nécessite ajustement, une mise au point de la fiction* vers le réel. Ou peut-être que cette familiarité tient simplement à ce que, même sans trop se connaître, on fait partie de la même secte.
Aux côtés de Gilda, je vérifie cette fois encore que c'est sans fin, jusqu'à ce que mort s'ensuive, que je pourrais écouter Pierre Bergounioux user, de vive voix, de "l'expression publique légitime", prendre la parole, garder jalousement le silence, raconter le destin et la condition des hommes, par le recours à l'histoire, et aux histoires qui chacune en manifestent une bribe de sens.
Que Pierre Michon est un peu à la littérature ce que François Hollande est à la politique française, le fou du roi. Mais quel fou, et quel roi...
Dans le bus, à l'aller, je relève cette phrase de la lauréate du prix Wepler, dont le roman avait si grande réputation que je suis pour l'instant un peu déçu : "Je suis constitué de fragments très distincts et séparés les uns des autres par de grands vides."
La poésie, le journal ? - en fait d'expression publique légitime, quelques mots risqués dans le blanc, et qui vous constituent.
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* à l'instant, soit deux jours plus tard, François Bon parle, lui, d'identité numérique : "cette identité numérique, qui devient concrète à force d’images, d’interventions, d’accumulation n’est pas notre être civil. Elle a la même complexité que ce que nous avons appris de longtemps à explorer, déchiffrer, pour ce qui sépare et mêle l’artiste Marcel Proust ou l’artiste Louis-Ferdinand Destouches de leurs narrateurs, voire même de leur masque d’écrivain, Saint-John Perse ou Céline..." (cité sans nulle identification mégalomane.)
Il y a une ressemblance textuelle entre Gilda et toi, dans l'alambication des mot, des tournures délicieusement obscures qui fait qu'on ne sait jamais vraiment où vous êtes ni ce que vous faites - si ce n'est que cela est important, peut-être même vital, et que cela est en lien avec les livres.
RépondreSupprimerUne certaine, oui, et il se peut que l'âme de Gilda rôde particulièrement sur ce billet dédié (j'avoue avoir pris un malin plaisir à mettre une note de bas de page).
RépondreSupprimerAh, on peut aussi le dire comme ça : donc je suis allé à Beaubourg écouter Michon, qui avait invité Bergounioux, entre autres, et v'là-t-i' pas que je tombe par hasard sur Gilda, qui m'avait justement invité à une lecture d'un poète italien le lendemain, mais j'étais pas sûr de venir ! Comme quoi la vie est bien faite, certains jours. Oui, tiens, j'aurais aussi pu le dire comme ça...
RépondreSupprimerTu devrais le dire de 36 manières différentes, comme un exercice de style et, difficulté supplémentaire, en reprenant chaque fois la marque de fabrique d'un des blogueurs que tu lis...
RépondreSupprimerEst-ce que tu remarques combien tout s'éclaire en disant seulement où on était ? S'éclaire en même temps, évidemment se banalise...
Au deuxième étage de Beaubourg se tenait une causerie littéraire à l'initiative de Pierre Bourgougnioux. De nombreuses femmes entre deux âges et quelques hommes à tête de professeur composaient une assistance d'autant plus clairsemée qu'il était 22 heures. Soudain j'aperçus Gilda et je me précipitai vers elle, et nous passâmes le reste de la soirée à papoter en grignotant les chips du buffet tandis que la voix soporifique de Bergougnioux nous berçait.
Comment ça, "soporofique" ?!! Berçante, tout au plus. A part ça et le deuxième étage (c'était dans la Petite Salle au sous-sol), et que le buffet était postérieur et non simultané à la causerie, tu as à peu près tout. Public beaucoup moins jeune que je ne m'y attendais, peut-être plus chic aussi. Mais tu aurais probablement été davantage marquée par le jeune, fin et charmant Omar Berrada, dans le rôle du modérateur.
RépondreSupprimerSubtilités de l'hypertexte, je sous-entendais où j'étais via le lien "Pierre Michon" qui pointe vers le programme - mais je sais que les gens ont autre chose à faire que de s'interrompre pour ouvrir une nouvelle fenêtre toutes les cinq lignes - limites de l'hypertexte.
"soporifique" était une basse provocation de ma part, je l'avoue - pourquoi se passer du plaisir de taquiner qui "marche" si bien ! ;-)
RépondreSupprimer... et je suis sûre que Gilda pas plus que toi ne grignoterait pas des chips pendant la causerie !
(je n'ai toujours pas lu "Miette", d'ailleurs, il est dans ma PAL)
Qui c'est cet Omar Berrada ? (un lien ! un lien !)
RépondreSupprimerJe marche avec délectation. (serais-je comme mon père, dont ma mère a passé trente ans à dire qu'il "partait au quart de tour").
RépondreSupprimerPour l'apparence : http://archives-sonores.bpi.fr/media/doc_acc/omar%20berrada.jpg
O.B. est dans la poésie (si dedans est le mot), notamment l'américaine qu'il traduit, il officie à Beaubourg, à France Cul' et dans diverses publications - apparemment il a tenu une chronique dans l'Huma.
Je proteste avec véhémence contre le "soporifique", ce Pierre (et l'autre aussi d'ailleurs) était passionnant, en fait j'aurais tout à fait pu n'écouter que lui.
RépondreSupprimerLe beau du truc, janu c'est que cet après-midi, c'était Pierre (un tout autre) et les deux Gilda
et que nous avons croisés tous les trois un ami blogueur que je n'ai pas su présenter autrement que par son pseudo !
et j'étais rudement contente de te voir (juste un peu fatiguée, un peu lente, après ma journée d'usine) et j'ai effectivement l'habitude de croiser ici ou là des blogueurs qui me reconnaissent bien avant que moi eux, ça ne m'embarrasse que dans un seul cas (suite privée).
Elle est chouette Gilda, hein?
RépondreSupprimerOuais, c'est bien mon sentiment!
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