jeudi 8 novembre 2007

à quoi bon lire, sinon ?

  

« Je passe le reste de la matinée à relire les Pensées, sans avoir délibéré, comme je fais à l’ordinaire, lorsque je suis pour ouvrir un ouvrage imprimé. J’ai lu des milliers de livre et ce reste, chaque fois, une affaire importante, qui aura des conséquences sur ma vision des choses, mes rapports avec les hommes, avec moi-même, les autres livres, mon avenir ou ce qu’il en reste. À quoi bon lire, sinon ? »
Pierre Bergounioux, Carnet de notes. 1991-2000, p. 266.


Depuis deux jours que j’ai terminé L’attrape-cœur, mes velléités d’échapper à l’emprise de cette lecture sont balayées. J’y passe plus de temps qu’il faudrait. J’emploie des tournures mimétiques du genre depuis deux jours que. Je tiendrais presque un journal. Plus que mille pages…
Étrange lecture au long cours, comme une sorte de marathon dans un paysage uniformément agréable, où l’on accueille avec une joie démultipliée, un surcroît d’attention les moindres surprises du parcours, les plus petits événements. Et dont les grands nous pénètrent. Dramaturgie paradoxale, minimaliste. Avec ces acmés farcesques que constituent les guignoleries de Pierre Michon − ainsi quand M. Fata Morgana fait visiter aux deux Pierre sa maison :

« … parmi les arbres, des statues de basalte en provenance de Palmyre, une tête gauloise en bas-relief, dans du grès rougeâtre. L’intérieur à l’image de l’extérieur, arts primitifs, livres, tableaux. Pierre empoigne une longue massue en bois dur, magnifiquement ouvrée, des mers du Sud et la brandit, au grand effroi de Bruno Roy, pour faire jaillir en tous sens, annonce-t-il, ma cervelle. » op.cit., p. 286


C’est un des intérêts du livre de faire connaître de l’intérieur une certaine famille littéraire − pour qui s’y intéresse. Et c’est pour moi aussi, simplement, une lecture édifiante, que je prise pour cela (au point, les premiers jours, de m’être réveillé anormalement tôt, sous l’influence, j’imagine, de ces « Levé à cinq heures, six heures, trois heures et demie ( !) » martelés au début de chaque entrée du journal...)

Stupéfait, en parcourant plus en détail ce qu’a pu noter Philippe de Jonckheere de sa lecture du premier tome, de tomber sur une description de transport aux urgences très proche du début du roman que je suis en train de traduire (d’autant plus épaté que j’avais justement affiché un autre passage d’hôpital du bloc-notes du désordre à mon mur quand je travaillais sur ce passage.) Deux textes inspirés, j’imagine, d’une même expérience. Sauf que son récit en seconde personne est bien plus percutant que mon récit tradition, en troisième personne, au passé, entrecoupé de dialogues pour série télé (ou est-ce simplement qu’il est mal traduit ?) Raison d’encore se réjouir de ce principe de François Bon : ne rien publier qui veuille s’appeler roman (dont l’écriture ne se porte pas au-delà des pauvres canons du genre, qui de bon cœur accepte cette étiquette de marchandise).

Quand j’annonce à B. qu’après avoir vu le médecin j’ai rendez-vous demain chez un ORL et qu’il ne manquerait plus qu’après-demain, je passe sur le billard, pour succomber le jour d’après, elle me répond, espiègle, qu’elle répandra mes cendres sur mon blog...

3 commentaires:

  1. Bien qu'un peu inquiète à l'idée que tu passes sur le billard, je vais adopter le ton badin de B. (B. comme Bru) et envisager quelques raisons de cette embillardisation :

    1- te rallonger le nez
    2- arracher, afin de les donner, quelques-unes de tes (magnifiques) dents à la science, de ton vivant
    3- t'opérer des amygdales (très littéraire, relire Michel Leiris sur le sujet) voire des végétations (peu plausible)

    Maintenant tu vas être obligé de venir donner de tes nouvelles sitôt opéré ( ou que B. vienne montrer les cendres).

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  2. Non mais, ce n'était qu'une supposition, qu'au train où vont les choses, et pour les mettre au pire... Mais j'ai encore espoir que ce problème que j'ai à l'oreille droite (un trou dans le tympan, semble-t-il, qu'on avait déjà raccomodé) ne nécessite pas ces complications. Je m'en veux de t'inquiéter par anticipation.
    Pour les végétations c'est déjà fait (ou était-ce les amygdales ? Je ne sais plus, j'avais quelques mois.)
    Je t'aime bien, mais tu n'auras pas mes dents.

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  3. M'en fiche mes fausses dents sont très bien ;-)

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(n.b. : Il semblerait que le formulaire de commentaires dysfonctionne sous Safari, mais s'entende encore très bien avec Firefox et Chrome.)