jeudi 27 mai 2010

 
En partant, ce matin, B* me rappelle que c’est jusqu’au 16 juin que nous n’allons plus nous voir. Après l’espèce de faux départ du mois dernier, renforcé par l’annulation de sa semaine à Berlin pour raison volcanique, ce retour à l’indépendance me prend un peu au dépourvu, et je passe la journée à me faire lentement à cette nouvelle situation.

Le soir, dans la cuisine, alors que je rapporte mon assiette, mon regard est attiré vers la fenêtre de la cuisine au micro-ondes qui clignote, incessamment clignote, dans l’immeuble d’en face, un étage en contrebas. Son rectangle jaune dans le crépuscule. Dans la cour obscurcie, pleins feux sur une fille en blanc, châtain, les cheveux relevés, la peau (déjà) uniformément ensoleillée, vive, qui parle et s’active tournée vers la fenêtre, vers moi. Le coup de la grâce. Elle fait la vaisselle. J’ignorais qu’il y avait un évier devant cette fenêtre, et je reste dans la pénombre de ma cuisine, seul, à regarder cette fille en vie et à me demander, légèrement – je mens – dépité, comment elle a pu atterrir dans la fenêtre de ce trentenaire brun, bedonnant, poilu, qui y paraît ordinairement en caleçon, parfois, l’hiver, en t-shirt, et parfois pour y repasser un pantalon, dont on ne le voit toutefois jamais vêtu. De ce brun qui ne tarde pas à apparaître – torse nu, bedonnant, poilu, en caleçon – et à disparaître du rectangle jaune, passant près de la fille en blanc, aux bras nus énergiques qui font la vaisselle, et dont la bouche bavarde s’éclaire d’un sourire – non, d’un éclat de rire.

Et écrivant cette scène, je m’aperçois que le dispositif, la situation sont les mêmes qu’au début de Ce livre va vous sauver la vie – Richard observant la nageuse en contrebas, derrière sa vitre – et que je n’aurai pas, en m’immobilisant dans la cuisine pour espionner la fille d’en face, en l’écrivant, réussi à oublier le raté de cette journée et de cette semaine – mon rendez-vous manqué avec AM. Traduction inconsciente.

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