« Vivre, c’est se déprendre et se désavouer, se haïr, répudier ses engouements, ses errances, ses années, à la réserve des deux ou trois instants d’éternité autour desquels une vie peut graviter. » 

C’est ce qu’écrit Pierre Bergounioux le 31 juillet 1991 dans son Carnet de notes après avoir décrit, une fois parmi d’autres, l’un de ces "instants d’éternité" : son coup de foudre, à l’âge de 14 ans, pour celle qui deviendrait sa femme. En même temps je lis L’attrape-cœur de J. D. Salinger dans la traduction d’Annie Saumont (que je suis allé acheter, comme le Bergounioux mercredi, à la librairie L’Attrape-cœurs, là-haut. Pour couper, comme on met de l’eau dans son vin : j’avais peur de devenir captif du Carnet de notes, en même temps que certaines choses au début me déplaisaient ou m’ennuyaient. Très efficace : après y avoir passé la soirée, je me suis couché, pour me relever une demi-heure plus tard et lire Bergounioux jusqu’à 3h30 du matin…).

« C’était un samedi et il pleuvait des cordes, et j’étais chez elle, sous le porche, ils avaient un de ces grands porches fermés sur trois côtés. On jouait aux dames. De temps en temps, je me moquais d’elle parce qu’elle laissait ses reines sur la rangée du fond. Mais c’était pas méchant. Jane, on avait jamais trop envie de se moquer d’elle. Je crois que j’aime bien me moquer un petit peu des filles quand l’occasion s’en présente mais c’est curieux, les filles que je préfère j’ai jamais envie de m’en moquer vraiment. » 

Quelque chose me travaille qu’avivent ces deux passages de mes lectures...