Vendredi, mes parents m’annoncent officiellement qu’ils signeront, lundi, un compromis pour la maison, qu’ils avaient mise en vente à la mi-mars, après une offre, une contre-offre, et un accommodement final. Ils vont maintenant devoir trouver un appartement à N., sans céder à la précipitation, faire un bon achat, et ça me préoccupe. J’aimerais pouvoir être totalement disponible pour le faire avec eux. Et ma nostalgie est profonde : qu’il n’y ait plus de « maison à la campagne » dans nos vies, que ma fille ne sache jamais, sensiblement, ce que ça représente, à part sous la forme faible et impersonnelle de la maison de location pour les vacances ; qu’il n’y ait rien qui reste dans nos familles, qui perdure, presque pas d’héritage matériel, peu de transmission symbolique, aucun lieu. Que B. ait perdu dans le même incendie et sa grand-mère et la maison où sa mère avait grandi, il y a bientôt treize ans, est la plus ravageuse illustration, pour moi, de ce dénuement (sur lequel je m’attarde trop).
Le cœur assez léger en apparence, mes parents vont trier, se séparer du plus gros de leurs affaires, vider leur maison, rassembler tout le modique capital dont ils disposent à l’issue d’une vie de travail et d’une gestion soigneuse, sinon fructueuse ou particulièrement avertie, et le placer dans (ces choses font un peu peur aux gens comme nous et j'ai presque envie d'écrire :
le miser sur) un logement plus petit, plus commode, dans une grande ville, pour y finir leurs jours. Abandonner leurs voisins, leurs arbres, leurs plantations et quitter l’atmosphère conservatrice et assez individualiste du coin de bocage où ils avaient pu jeter l’ancre il y a vingt-et-un ans pour construire cette nouvelle phase de leur vie, vivre, à la soixantaine, cette aventure – un appartement, une ville de plus de 100 000 habitants, ouverte, tout près de nous. Grande est ma nostalgie, mais il est entendu que ça devrait leur faire un grand bien. J'espère que nous allons trouver cet endroit et qu'ils y seront incomparablement heureux.